Le feeder en eaux courantes

Il est étonnant de constater que de nos jours, le feeder est plus utilisé en eaux calmes qu'en eaux courantes. C'est pourtant dans ces dernières qu'il brille le plus. Je pense que les raisons sont multiples, mais j'en soulignerai 2 : la pêche en courant est plus difficile à mettre en œuvre et cela pousse les gens dans les étangs, où l'on prend plus. Et, en effet, si la pêche en lac et étang ne nécessite pas du matériel très hors limite, la Meuse et les autres rivières exigent parfois des tailles de feeder étrangement absentes des magasins (80 grammes et plus). De même, la gestuelle et le timing sont bien plus simples et limités en eaux calmes. Enfin, la perte plus importante de matériel en courant rebute le débutant, voire le pêcheur confirmé. Heureusement, j'ai des solutions à (presque) tout !
Ma pêche se fera le long de la Meuse en province de Liège (Belgique), à Ramioul. Hormis quelques malheureux kilomètres près des Pays-Bas et, en amont, près de la frontière française, la Meuse a vu son cours rectifié (quel affreux terme), canalisé et entrecoupé de barrages pour réguler son flux (la pire des domestications pour un cours d'eau). Pour une rivière qui avait le même régime torrentiel et le même profil que la Loire, les travaux débutés au XIXe siècle pour favoriser la navigation et l'industrie sidérurgique furent un vrai cataclysme. 
Le secteur de Ramioul est caractéristique de cette sauvagerie humaine : berges composées de murs inclinés, voire droits, et fonds assez homogènes. Malgré tout ceci, le poisson est bien présent : des plaquettes en bon nombre, du gardon (des rousses, comme on dit chez moi), des carpes, mais aussi du hotu, revenu en force ces dernières années et quelques barbeaux. On est loin de la diversité d'une rivière naturelle, mais il y a de quoi faire ! Le courant y est souvent soutenu et pas encore affecté par l'énorme prise de débit du canal Albert, en aval de Liège. Ce courant évite l'envasement excessif et on pêche souvent sur du gravier.
Concours gagné avec 9.5kg de poissons
Autrement dit, c'est tout de même un très bon endroit de pêche. Précisons que le reportage a été fait lors de manches de compétition en avril et que le hotu étant protégé pour sa reproduction à cette période, vous ne le verrai pas apparaître dans les photos, même si de jolis exemplaires de 35-40cm furent pris et relâchés directement.


Introduction : le courant


Parler de pêche dans le courant sans définir ce dernier est un peu étrange pour moi. Bien le comprendre, c'est mieux le pêcher.

Comprendre le courant

Voici un schéma bien utile pour comprendre comment le courant fonctionne : 
  • Il est plus important en surface et diminue en allant vers le fond, à cause des frottements, entre molécules d'eau, puis entre elles et la surface du fond de la rivière.
  • Notons également que le courant est toujours plus fort sur la berge concave (extérieur d'un méandre) que du côté de la rive convexe, où les alluvions se déposent (intérieur du méandre).

Amorçage et courant

Le courant sera un allié pour l'appel du poisson, puisqu'il conduira les particules, les nuages et les goûts vers l'aval. A la sortie du feeder, l'appel sera maximum, puisque concentré. Plus vous irez vers l'aval, plus le flot de particules sera dilué, faible. Les poissons, eux, vont suivre et remonter ces traces jusqu'à votre feeder et, sur leur chemin, ils vont arriver à votre esche. L'enjeu est de présenter votre feeder toujours au même endroit, afin de concentrer l'appel et, de ce fait, augmenter la concurrence alimentaire. Si vous amorcez imprécisément, le densité de poisson ne sera pas suffisante pour déclencher correctement la concurrence.
L'appel est moins important par courant fort que par courant faible, vu que plus y a d'eau, plus rapidement les particules seront emmenées loin et de manière diluée. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de plus amorcer lorsque le débit est important. Pensez également à utiliser des terres dans l'amorce, des esches à densité importante, tel que le caster (de couleur claire) et à dégraisser vos asticots ou à décoller votre fouillis avec de l'argile sèche, et ce afin de ne pas les voir emportés trop vite.
Très peu d'amorce se détache à l'impact
Veillez également à mouiller votre amorce un peu plus qu'en plan d'eau. Aucune particule ne doit flotter et il est rédhibitoire de voir le feeder se vider à l'impact ou à la descente. Il doit par contre se vider rapidement quand il aura touché le fond. 

Lire le courant et sonder

Le courant peut se lire à la surface de l'eau. Dans les rivières canalisées, il est peu troublé par des bancs de sables, des pierres ou des embâcles. Cela donne une surface d'eau très lisse. Dans une rivière naturelle, par contre, les remous sont de très bons indicateurs d'obstacles. Une eau plus plate permet de savoir qu'il y a plus de fond. Etc. 
Je vous conseille de toujours bien sonder votre place afin d'avoir une carte mentale de votre place, comme décrit dans mon article "Sonder au feeder". Repérez l'obstacle avant de commencer à pêcher, pas après.

Lancer au bon endroit et tendre sa ligne correctement

Lutter contre le courant commence par le lancer et cette manœuvre n'est pas aussi innocente qu'elle paraît. En effet, bien exécutée, elle vous permettra de pêcher un peu plus léger et de ne pas accrocher. Par contre, si vous utilisez votre technique habituelle en eau calme, vous allez y perdre votre latin.
  1. Tout d'abord, je préfère nettement lancer devant moi ou en aval, cela évite pas mal d'accrochages et diminue la pression de l'eau sur la bannière
  2. Ensuite, je garde la canne presque parallèle à la berge après que la ligne s'est bloquée sur le line clip. Cela me garde 2-3 mètres de bannière qui se détendront lorsque je poserai la canne sur son pied, juste après que le feeder aura touché le fond.
  3. Surtout, laissez le courant tendre cet excédant de bannière, il formera une boucle dans l'eau qui aidera à diminuer la pression sur le feeder et le scion (c'est là qu'est le secret)
Plus le courant est fort, plus la boucle peut et doit être grande. Par contre, si le débit est faible, comme en été, diminuez le mou dans ladite bannière à 1-2 mètres, vous serez plus rapidement pêchants.
Attention :  Soyez TRES attentifs à la phase de tension, car, souvent, la touche intervient à ce moment précis. C'est une des clés de la réussite.

 

Position de la canne

En courant, j'ai déjà essayé pas mal de positions, mais la seule que je retiendrai vraiment est celle-ci :
  • Canne mi-haute (quand il y a beaucoup de vent) à haute (le reste du temps ... 90% de cas pour moi) pour diminuer la pression du courant sur la ligne
  • Canne perpendiculaire à la rivière, voire pointant vers l'aval, pour encore tirer de la bannière hors de l'eau
Plus la canne est basse, plus elle doit être placée parallèle à la berge, et ce pour favoriser la lecture des touches. Plus la canne est haute, plus elle doit être placée perpendiculaire à l'eau.



La pêche

Les conditions climatiques étaient printanières avec du soleil, un temps sec, peu de vent (Ouest) et une 15aine de degrés.
La Meuse avait un débit moyen de +/- 285 m³ en début de journée. Vers midi, ce débit a diminué pour tomber à +/- 250 m³. Les eaux étaient très légèrement colorées.

Vue amont
L'entrainement du mercredi m'a permis de mettre en lumière une ou deux astuces que j'espère bien utiliser lors de cette compétition amicale. On aura des plaquettes et du gardon au menu !

Amorce : beige clair presque jaune, sucrée et assez collante pour résister au courant. Je vous conseille ce mélange, comme base de vos tests : 
  • 2 volumes de chapelure rousse
  • 2 volumes de BC collant
  • 2 volumes de biscuit gras
  • 1/2 volume de chanvre moulu
  • 1/2 volume de cassonade 
Esches : casters en quantité, petits rouges congelés, gros asticots rouges et vers de terreau
Feeders : MS Range Edelstahl grand modèle en 80, 100 et 120 grammes (A voir dans mon article sur les feeders pour le courant)
Cannes : MS Range Multi Feeder H 365-415 avec scion de 3oz (en 415) et MS Range Prime 435 avec scion de 4oz. Au cas où, j'ai également monté la MS Range Multi Feeder MH 330-390 avec un scion de 2oz (en 390).
Montage : coulissant mi-lourd, avec torsade en powergum 8lbs (A voir ici dans les montages modernes), bas de ligne en 14 ou 16/100 Drennan Supplex et hameçon Drennan Carbon feeder 16 et 14. Si les moules sont présentes, je passe à la tresse Drennan Gravel Braid en 8lbs. Corps de ligne en 25/100 direct ou en tresse 14/100 avec 8 mètres d'arraché en 25/100.

Quand je me prépare, la première chose que je fais est de mouiller mon amorce une première fois. Ensuite, je monte mon panier, ma desserte et le repose-canne. L'analyse de l'eau et le sondage minutieux n'arrivent qu'après. A vue de nez, il va falloir pêcher lourd. J'essaye 80 grammes, mais ma ligne glisse sur le fond. En ce début de journée, c'est 120 grammes qu'il faut. Les précipitations faibles des jours précédents me font penser que l'eau va aller en diminuant et je monte donc 3 cannes avec des feeders de 120, 100 et 80 grammes, sur respectivement les cannes suivantes : MS Prime 435, la Multi H 365-415 et la Multi MH 330-390. Ces cannes sont puissantes, mais ne manquent pas de souplesse, c'est très important.
Le sondage me permet de repérer quelques différences de profondeur, mais c'est globalement plat de 15 à 45 mètres. Je choisis ma distance de pêche de départ : 26-28 mètres. Je prévois également un coup 5 mètres plus loin et un autre vers 40-41 mètres.

Tamiser l'amorce est obligatoire pour un travail homogène
Je termine la mouille de mon amorce et je prépare mes esches. Tout doit tomber sous la main durant la manche, dire de ne pas perdre du temps.

Début de la pêche à 10h : je ne panique pas, on a 5 heures pour faire sa pêche. J'amorce rapidement 3 ou 4 gros feeders pleins d'esches (casters et pinkies congelés) pour démarrer le coup. Les gobies sont les premiers à arriver, puis, après 20 minutes, ils disparaissent. Je ne sens pas ma grosse canne en 120 grammes avec le scion de 4oz et je la range pour pêcher avec la Multi Feeder H 415 avec un scion de 3oz et 100g. C'est gagnant et j'enregistre une première belle touche : c'est très bon signe. Les plaquettes rentrent. Elles font de petites touches, mais j'enregistre très, très peu de ratés au ferrage. 

Mon montage mi-lourd avec une torsade en powergum de 8lbs
Mes 3 premières heures vont être passionnantes et se concluront par la prise de mon premier amour ! Il fait 3.9kg et est magnifique. Il s'est rendu après un combat lourd comme une brème dans le large, puis rapide et puissant dans le bord. J'ai même cru avoir touché un barbeau.
Johnny (mon voisin), lui, n'a pas bien commencé et va discuter avec ses voisins pour trouver l'inspiration. Il fait souvent cela et, quand on ne le connaît pas, on croit à de l'indolence. Il n'en est rien. Cette marche lui sert à se concentrer. Revenu à son siège, il entame une remontée terrible les 2 dernières heures. Certains diront que c'est grâce à des produits sucrants et traçants (Baitsmoke Boilieman ?), mais, quand il trouve sa pêche, qu'il est dur de le suivre. Moi, j'accuse une nuit durant laquelle je n'ai pas bien trouvé le sommeil et mon poisson disparaît à la 4e heure.
A force d'amorcer et de remettre pas mal d'esches dans l'eau (casters, petits rouges congelés et vers de terreau hachés), j'arrive enfin à reprendre quelques poissons durant la 5e heure, tant avec des vers de terreau, que des casters ou de gros asticots rouges à l'hameçon. La pêche est devenue difficile. Dans ces conditions, mon salut est venu de mes changements d'esches et de l'allongement de ma distance de pêche. Comme je le dis souvent, à la pêche, dans le doute, ne vous abstenez surtout pas de tester !

La journée se termine dans la bonne humeur habituelle aux Amis du Feeder et va nous servir de préparation en grandeur nature pour le prochain concours ! Pour suivre mes manches au sein des LADF, cliquez ici
 

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