Le cabillaud sur épave - les grands principes


L’épave est à la dérive et, pourtant, elle n’a bu que de l’eau ... ou comment se faire du muscle en prenant des cabillauds





Dans l’article de pêche en mer précédent, j’avais tenté de vous guider dans la pêche des poissons plats. Il est temps de passer aux exploits hauturiers et d’aller taquiner le cabillaud, le tacaud et autres gadidés cachés dans les milliers d’épaves qui gisent sur le fond de notre mer du Nord. Je vais passer en revue mon matériel, vous proposer un couple canne-moulin polyvalent, défendre mes points de vue, aborder la tactique de la pêche à la dérive sur épave et vous donner quelques liens sur le Net pour approfondir tout cela. Tout un programme.
Noël et un très beau cabillaud


Le matériel

La pêche sur épave requiert l’utilisation d’un matériel solide. Cela dit, solide ne veut pas dire dur et insensible. Avec une ligne trop résistante et une canne trop puissante, une grande partie du plaisir disparaît. Ce serait dommage de s’en passer.
Selon l’époque et l’humeur du poisson, j’utilise 2 cannes différentes : la première est courte (1.83m) et rigide, elle me permet de «jigger» avec de gros leurres sans me fatiguer ; la seconde est plus longue (2.45m), plus souple du scion, et est destinée aux pêches plus légères ou avec les esches naturelles
Voici mes deux sets de cannes, ainsi que les moulins et les lignes qui vont avec :

1.        La première combinaison est faite pour le jigging.
-    La canne est une Shimano Beastmaster BX (Ref. BMBXJBT183HS) de 6 pieds de long et sa puissance est «heavy» (160-420g). Elle sait plier pour encaisser les coups de tête des cabillauds, mais possède énormément de réserve pour pomper le poisson en force hors de l’épave. Courte, elle évite au poisson d’avoir un trop grand bras de levier et facilite l’animation verticale typique au jigging. De plus, elle possède une poignée relativement longue pour être calée sous le bras confortablement.
-    Le moulin est un Shimano Navi 8000PG qui contient tout juste 274m de tresse PowerPro de 40Lbs (+/- 20kg de résistance pour 28/100). Ce moulin est compact, assez léger, mais renforcé. Il a une récupération rapide et, comme tout bon Shimano, il ne vous laissera pas tomber.
-    La tresse PowerPro est résistante, durable, ronde, elle ne prend pratiquement pas l’eau et est assez rigide, ce qui est un avantage quand on emmêle avec le voisin.

2.        Ma seconde combinaison est destinée aux pêches demandant plus de sensibilité (esches naturelles, poissons plus difficiles, …)
-    La canne est une Shakespeare Ugly Stik Braid 25-30Lbs (Ref. 1463/244) qui possède un fabuleux scion en fibre de verre et carbone (procédé de fabrication Hoswald). De plus, son action est faite pour les tresses modernes. C’est ma canne bateau préférée et je ne l’ai payée que 69€ en Zélande (au camping de Westkapelle). Elle est d’une sensibilité fantastique et le talon rigide est néanmoins super puissant. Elle encaisse parfaitement les chocs et fait preuve d’une grande polyvalence. Son talon est plus court que le scion (brins inégaux) et le moulin est positionné plus bas que sur la canne de jigging. Un must à prix d’ami !
-     J’utilise cette canne uniquement avec un moulin à tambour tournant. C’est un Okuma Solterra SLR 10LX, avec la manivelle à gauche (pour droitier, en d’autres termes) et un guide fil pour faciliter le bobinage. 

L’utilisation d’un tel moulin demande un peu d’habitude, mais quand on y a goûté et qu’on l’a apprécié, il deviendra irremplaçable pour les pêches verticales. C’est plus puissant, plus doux, plus léger, moins encombrant qu’un moulinet à tambour fixe. En plus, ce modèle en particulier n’a pas le handicap d’une récupération lente et possède un excellent frein. Cela dit, je suis quasiment toujours le seul sur le bateau à utiliser une telle machine, dont l’usage n’est vraiment pas dans les mœurs de nos pêcheurs continentaux, alors que les Anglais ne jurent que par lui (et je les comprends). Voir encadré «Moi aussi je veux un moulin à tambour tournant».
-    La tresse est également de la PowerPro 40Lbs (28/100), mais on peut aussi utiliser de la 30Lbs.

Bon, alors, tu nous conseilles quoi ?

C’est simple, si vous prenez du matériel vraiment bon marché, vous aurez assez rapidement du matériel vraiment bon à jeter. Ce n’est pas le but. Cela dit, il y a moyen d’avoir du bon pour un prix des plus décents.
La canne : je vais encore vous conseiller une Shimano, mais c’est tellement bon et facile à trouver. La canne doit avoir une puissance de 150-300g et faire de 2.10 à 2.70 ; plus long, ce sera lourd et peu maniable : une Vengeance Boat (VBT240H) pour tambour fixe ou, surtout, la magnifique et toute nouvelle Vengeance Slim Boat (VBTSL7620302), ultra fine et légère. Elle a nettement ma préférence et peut être utilisée avec un tambour tournant ou un fixe. Un super outil à petit prix (- de 60€).

Le moulin : je vous conseille un tambour fixe pour sa facilité d’utilisation et sa polyvalence. Vous pouvez utiliser un moulin contenant 250 à 300m de 35/100, dire de pouvoir mettre les 270m de tresse PowerPro 40Lbs. Un Shimano Exage FB 10000 (EXG10000FB) sera parfait. N’oubliez pas de bien le rincer à l’eau tiède après utilisation et de légèrement l’huiler quand il sera sec.
La tresse : C’est un investissement, mais c’est tellement mieux que le nylon. Le ressenti du fond est infiniment plus précis, le ferrage est efficace et, le diamètre étant plus fin par rapport au nylon, on peut pêcher plus léger.
Un conseil vital : quand vous remplissez votre moulin de tresse, il faut qu’elle soit très serrée sur la bobine, sinon vous allez avoir des perruques et sous la tension, vous risquerez d’abimer votre précieuse tresse (la tresse rentre dans les spires et va user le reste à cause des frottements). Chez mon vendeur d’eBay (Voir «Liens utiles»), prenez de la 40 ou de 50Lbs en jaune pour mieux voir où vous pêchez. Si vous en achetez ici, prenez de la 28 ou de la 32/100.
Cela dit, en ce qui concerne les tresses, le diamètre annoncé ne peut être considéré, au mieux, que comme indicatif. La plupart du temps, les producteurs donnent des valeurs théoriques (la moyenne des mesures), voire complètement fausses et puis, de toute manière, la tresse n’est jamais bien ronde. Disons que la PowerPro est très proche des valeurs annoncées et, avec les bons nœuds, dépasse même les résistances annoncées. L’autre tresse la plus appréciée est la Berckley Whiplash Pro. Elle est très souple, très résistante, coupe très bien l’eau, mais les diamètres annoncés sont fantaisistes (par exemple : 17/100 … mais plutôt 36/100 en réalité). Quand on le sait, cela n’enlève rien à ses qualités.

Quand pêcher

Pour le cabillaud, on pêche sur épave de janvier à octobre. La période la plus productive est l’hiver et le début du printemps. C’est également la période de reproduction de notre gadidé. Prendre des poissons pleins d’œufs ou de laitance n’a rien d’éthique et je vous conseille de ne pas aller pêcher en janvier – février, ou de relâcher délicatement les poissons «gros» préalablement retirés de l’eau avec une épuisette. Pensez à l’avenir, c’est bien plus important que de faire un carton. Pensez aussi à bannir la gaffe, engin aussi barbare qu’inutile pour la pêche de ce type de poisson. Voir encadré «Pourquoi je n’utilise pas la gaffe».

De mai à août, la pêche deviendra moins frénétique et demandera plus de délicatesse. C’est la période que je préfère car elle oblige à se creuser un brin les méninges.
La fin de saison est souvent moins bonne et il est temps de changer de cible.
Votre serviteur et un cabillaud de 6kg+

Comment pêcher

L’action est simple : il faut explorer une couche d’eau allant du fond à maximum 2 mètres au dessus de celui-ci. En effet, le cabillaud ne quitte quasiment jamais la proximité de l’épave, où il trouve nourriture et refuge.
Le bateau se positionne en amont de l’épave, puis se laisse glisser au dessus. L’objectif passé, on remonte et on recommence la dérive. Dès que le skipper donne le signal, on laisse la ligne descendre jusqu’au fond, puis on l’anime par des tirées verticales plus ou moins importantes, en veillant à toujours toucher le fond à chaque descente. On doit absolument suivre le relief de l’épave. C’est un peu comme si on sondait le fond, comme à la pêche au coup. Pas compliqué, mais fatiguant ! Parfois, il faut faire des tractions de faible amplitude, parfois de grande. On n’impose jamais sa technique au poisson, on s’adapte. C’est la clé de la réussite.
Quand la pêche est facile, vous pourrez n’utiliser que les lignes à octopus. Si cela devient plus difficile, je vous conseille d’enrichir vos octopus de morceaux d’arénicole ou de calamar, cela améliorera fortement vos résultats.
Si le poisson est difficile et ne prend pas un leurre qui passe rapidement, il faudra laisser la ligne plus longtemps à fond en relâchant du fil, puis la déplacer d’une tirée ample. Et ainsi de suite.
Si la pêche est vraiment compliquée, allongez les bas de ligne à 30cm, n’y mettez que des esches naturelles (vers, calamar, morceau de maquereau, …) et changez ces dernières régulièrement pour qu’elles ne soient pas délavées par l’eau de mer.
Un truc toujours utile est de lever les yeux et de regarder les pêcheurs qui prennent, c’est qu’ils utilisent ce qu’il faut.

Vous verrez, les touches des cabillauds sont de gros coups de têtes, alors que celles des tacauds sont plutôt des «toc, toc» nerveux. Sinon, avec la pêche aux leurres, les poissons ont l’habitude de se ferrer tout seuls.

Si votre épave est truffée de tacauds, les esches blanches, comme le calamar, sont les plus efficaces. Cela dit, si le tacaud est un poisson très actif et goûtu, il est néanmoins plus amusant de prendre du cabillaud. N’hésitez donc pas à demander au skipper de changer de crémerie.

Les lignes et le petit matériel

On trouve des lignes à octopus toutes faites dans le commerce. Privilégiez les couleurs orange/jaune et rouge/blanc, ce sont les plus efficaces en mer du Nord. La ligne doit être solide et résister aux nombreuses dents des cabillauds. Des hameçons de 4/0 à 7/0 sont les plus communs. C’est gros, mais ces poissons ont une énorme gueule.
Triplette ou pas sur le leurre terminal (pilk, pilker, pirk, jig … selon le langage) ? La question voit deux camps s’opposer. Certains ne jurent que par la triplette, mais perdent énormément de montures ; d’autres, dont je fais partie, ont banni l’hameçon triple. J’utilise le leurre comme attractant, mais les poissons mordent sur les bas de ligne attachés sur le corps de ligne. Les deux écoles ont toutes les deux de bons résultats, mais la mienne perd moins de matériel. Pensez encore à la nature en ne perdant pas trop de plomb dans l’eau.
J’ai encore une autre technique que je développerai dans un article futur et qui est très prometteuse.
Selon la vitesse du courant, il vous faudra de 150 à 500g pour tenir le fond, que votre ligne reste droite et que vous puissiez donc pêcher verticalement (enfin, le plus possible).

Vous pouvez également faire vos lignes vous-même. A condition d’acheter des quantités (c’est ce que nous faisons chez CBR Mer), vous aurez du matériel super à prix compétitif. De plus, vous pourrez faire exactement ce que vous voudrez.
Ma ligne type se compose comme suit :
1,50m de 60/100
Emerillon au dessus
Agrafe en dessous pour le plomb
2 bas de ligne : le premier à 30cm de l’agrafe, le second à 50cm du premier

Le corps de ligne est long pour être pris en main afin de soulever le poisson de l’eau et éviter d’être obligé d’attraper la tresse (ça coupe !).

Le petit matériel

Hameçons «baitholder» de 4/0 à 7/0
Emerillons de 1/0
Nylon de 60/100 pour le corps de ligne et de 50/100 pour les bas de ligne
De grosses agrafes
Des plombs/leurres de 150 à 500g en bonne quantité, car on en perd un certain nombre par pêche.
Des lignes à octopus toutes faites (vérifiez les nœuds) en bonne quantité aussi.

Réserver une pêche

Un dernier conseil : les skippers étant des gens très demandés et leurs bateaux étant limités en nombre comme en taille, réservez très à l’avance. De plus, nous sommes tous liés à la météo et il est parfois nécessaire de réserver trois pêches pour ne sortir qu’une seule fois. Sachez-le. C’est une situation souvent frustrante si, comme moi, vous trouvez que vous n’allez jamais assez souvent pêcher. Si cela ne tenait qu’à moi, j’irais tremper ma ligne toutes les semaines.

Manger son poisson tout en respectant le milieu

La question de reprendre du poisson chez soi se pose. Je vous avouerai bien qu’avant d’être allé pêcher en mer, je n’avais jamais repris à la maison qu’un brochet, un sandre et quelques truites. Je ne suis pas un grand prédateur et je relâche systématiquement les poissons d’eau douce. La mer m’a fait découvrir un plaisir que je ne connaissais donc pas : manger ce que j’ai pris.
Il faut néanmoins raison garder et il y a des tailles et des quotas à respecter. Ne reprenez jamais du poisson si ce n’est pas pour qu’il soit mangé. En effet, jeter un animal à la poubelle après l’avoir montré à tout le monde est une attitude scandaleuse et une photo sur le bateau aurait suffi.
Je vous conseille d’utiliser une glacière pour le retour, voire sur le bateau pendant la saison «chaude». Ce sera votre garantie de ramener du poisson d’une fraicheur inconnue dans nos magasins. Attention, on doit ramener le poisson avec sa tête, sinon, en cas de contrôle, vous serez en tort. 

Gaston, la gaffe s'il-te-plaît

Le principe de la gaffe est de piquer le poisson pour le retirer de l’eau. Cet outil «barbare» a trois inconvénients majeurs à mes yeux :

  1. Relâcher le poisson est impossible après un tel traitement et c’est inacceptable (hormis exceptions, mais elles sont rares)
  2. Si vous décidez de garder votre prise, une partie de la viande risque de ne plus être utilisable et c’est dommage.
  3. L’utilisation d’une gaffe demande de la pratique pour ne pas faire des gaffes et les risques d’accident ne sont pas nuls.

Alors, que faire ?

C’est simple, utilisez une épuisette large (+/-60x70cm) à grosses mailles, si possible caoutchoutées pour éviter que les hameçons ne s’y prennent. Le manche devra faire environ 1m50 et le filet sera profond. J’ai convaincu les membres de mon club de l’utiliser et ils n’ont pas l’air de se plaindre.
  

Accroché dans l'épave ? Que faire ?


Alors que la plupart des pêcheurs bloquent la bobine du moulin en la tenant d’une main, canne pointée vers l’eau (technique qui fait subir de très fortes pressions à votre moulin et risque de casser la canne si elle passe sous le bateau), pour ma part, je pratique autrement et je n’ai jamais eu à m’en plaindre : j’ouvre l’anse du moulin, je détends la tresse et je l’enroule autours de mon bras (3-4 tours), mais uniquement si je porte une grosse veste ou un pull bien épais ! Sinon, bonjour la coupure ! Une tresse de 20kg de résistance cassera comme de la laine, je vous l’assure.

N’enroulez jamais la tresse autour de vos mains, ni de vos doigts sous peine d’accident.
De même, n’enroulez la tresse autour un bois que si vous êtes certain qu’elle ne glissera pas. Si elle se met à tourner autour dudit bois, elle cassera à coup sûr à ce niveau.
 

Des liens utiles

Voici quelques adresses internet (URL) qui pourraient vous être utiles. Elles ne sont que trop peu de fois en français, mais c’est à cause de la pauvreté des sites francophones.

Apprendre à faire des filets de poissons (NL-EN) et couteaux pour les filets (je vous les recommande chaudement car ils sont excellents et pas chers) – Pays-Bas
Tresse PowerPro à ½ prix – le vendeur est sérieux et les délais courts. J’en suis à ma sixième commande et je suis 100% satisfait (EN) – Etats-Unis (eBay)

Pour tout autre renseignement, vous pouvez venir poser vos questions sur le forum de la fédération, à l’adresse suivante : http://www.fpbml.be/forum/index.php L’inscription y est gratuite.

Bonne pêche

JNS
Publié dans le FP n° 213







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