Choix d'une canne : un peu de souplesse SVP

Les carbones haut-module nous ont apportĂ© pas mal de plaisir Ă  la pĂȘche : on n’a jamais fait des cannes si solides et lĂ©gĂšres et, esthĂ©tiquement parlant, le tissage de la fibre est particuliĂšrement beau et a ce look hi-tech qui plait tant. Je rajouterai que pour les pĂȘcheurs de carnassiers, en mer comme en eau douce, le carbone est sonore et permet de bien sentir les touches. Toute cette technologie a nĂ©anmoins quelques dĂ©savantages :
  • Un carbone trĂšs sec et nerveux est plus complexe Ă  comprimer au lancer et demande de la technique pour ĂȘtre utilisĂ© Ă  son maximum
  • Ce mĂȘme carbone est plus sensible aux chocs et demande un minimum de soins
  • Qui dit canne Ă  action sĂšche dit dĂ©crochages plus frĂ©quents, surtout quand on utilise de la tresse
Tous ceux qui ont dĂ©jĂ  manipulĂ© une canne surfcasting Ă  rĂ©partition de style anglais (4m, deux brins, talon trĂšs dur), comme celles qu’un certain Danny Moeskops utilise en compĂ©tition pour atteindre 280m et plus, savent qu’on doit les compresser avec mĂ©thode et technique. Si vous donnez tout dĂšs le dĂ©but du lancer, la canne se sera dĂ©compressĂ©e bien avant la fin de votre mouvement et vous donnera l’impression de peser le poids d’une vache morte. Vous vous serez cassĂ© les bras et le dos pour n’atteindre qu’une distance minable. Bien utilisĂ©e, par contre, elle vous semblera lĂ©gĂšre, rapide et votre plomb ira s’Ă©vanouir Ă  l’horizon. Cette rĂšgle s’applique Ă©galement Ă  nos cannes carpe, feeder, etc. : un lancer dĂ©marre lentement, s’accĂ©lĂšre en utilisant la rotation du corps et se termine par une accĂ©lĂ©ration violente d’un «pousser-tirer» Ă©nergique de vos bras. Plus le poids lancĂ© est lĂ©ger, plus le geste est rapide, et, inversement, plus le poids est lourd, plus le lancer sera lent. 


Danny Moeskops en action ! Ce type est bĂąti comme un baobab et a une technique parfaite : http://uksf.sea-angler.org/results/2008Masterswinner.jpg

Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©e, une canne a ses limites, que les fabricants indiquent le plus souvent en grammes, parfois en once (28,4g), voire en livres (le fameux «test curve» (TC) des cannes carpes). Il y a une limite infĂ©rieure et une supĂ©rieure : en effet, pour une canne donnĂ©e pour 15-40g, si vous essayez de lancer 5g, la canne pliera difficilement et vous ne pourrez pas utiliser pleinement son ressort et, si vous tentez de lancer 65g, la canne arrivera dans sa limite d’Ă©lasticitĂ© et son ressort ne sera pas suffisant pour projeter le plomb. Comme vous l’aurez compris : la force physique n’est rien sans technique et, mal utilisĂ©e, la meilleure canne ne fera pas de miracle.

Si la fibre de verre encaissait les pires traitements, il n’est pas question de frotter votre belle canne en carbone sur les cailloux et la cogner sur des arĂȘtes en bĂ©ton. En effet, cette fibre est trĂšs dure et les procĂ©dĂ©s de fabrication actuels ont permis de limiter l’apport de rĂ©sine, au profil de la lĂ©gĂšretĂ© et de l’action. Depuis le carbone IM6, les cannes ont continuellement gagnĂ© en soliditĂ© Ă  la flexion et Ă  la traction, tout en perdant du poids. Elles ont par contre perdu du blindage que constituaient les Ă©paisses couches de vernis et la trĂšs rĂ©siliente fibre de verre. ParticuliĂšrement en mer et pour le silure, les fabricants ont pris cela en considĂ©ration et les cannes sont bien plus rĂ©sistantes aux chocs. Ceci a un coĂ»t : le poids est supĂ©rieur. Rassurez-vous, on arrive Ă  faire des cannes Ă -peu-prĂšs incassables en action de pĂȘche et qui ne nĂ©cessitent pas que vous preniez un abonnement Ă  la salle de fitness du coin, pour vous muscler le dos et les bras. Inversement, si vous pĂȘchez la truite, vous n’aurez pas besoin d’une lourde trique pour ferrailler et vous pourrez savourer les 150g de votre fleuret de 2,10m. Autrement dit, vous avez largement le choix sur le marchĂ© et si vous ĂȘtes un bucheron ou que vous pratiquez des pĂȘches viriles, vous trouverez un manche (bien dur) Ă  votre paluche. Inversement, si vous ĂȘtes dĂ©licats comme un petit oiseau, vous pourrez acheter une plume adaptĂ©e Ă  vos bonnes maniĂšres.
Cela dit, renforcĂ©es ou lĂ©gĂšres, toutes les cannes en carbone redoutent une chose : le sable dans les emboĂźtements  Veillez donc toujours Ă  garder les parties mĂąles et les femelles bien propres pour Ă©viter les blessures et les blocages parfois dĂ©finitifs.

Enfin, pensez Ă  adapter votre matĂ©riel Ă  la technique pratiquĂ©e et au poisson recherchĂ©, et ce afin d’obtenir un bon compromis efficacitĂ© du ferrage/encaissement des coups de tĂȘte. Ceci est surtout vrai quand vous utilisez de la tresse, dĂ©pourvue d’Ă©lasticitĂ©. Depuis quelques annĂ©es d’ailleurs, les actions des cannes ont fortement Ă©voluĂ© pour s’adapter Ă  l’utilisation grandissante des multi-filaments, si utiles pour les pĂȘches de carnassiers en eau douce comme en mer. Une action progressive et un scion plus souple vous permettront, pour l’un, de piquer facilement votre hameçon dans les bouches les plus dures et Ă©viteront, pour l’autre, de tirer l’hameçon de la gueule de votre prise.
En rĂ©alitĂ©, les problĂšmes de dĂ©crochage vont surtout arriver quand on essaye de marier une canne de 10 ou 12 ans, voire plus, faite pour le nylon, donc possĂ©dant un scion raide, et la tresse. Il n’y a pas de solution miracle. Tout au plus, vous pouvez attĂ©nuer les chocs avec une tĂȘte de ligne de quelques mĂštres en nylon assez Ă©lastique, mais cela ne remplacera pas une canne adaptĂ©e aux multi-filaments. Mon meilleur conseil est de continuer Ă  utiliser votre ancienne et vaillante canne avec des nylons de qualitĂ©. Ces derniers se sont globalement amĂ©liorĂ©s ces 10 derniĂšres annĂ©es et vous permettront toujours de prendre du poisson. J’irai mĂȘme plus loin : je vous dĂ©conseille fortement la tresse pour les poissons les plus combatifs, comme le barbeau, ou possĂ©dant des lĂšvres molles, comme les petites brĂšmes. Un nylon vous permettra bien plus de sĂ©curitĂ©.
Pour ma part, j’utilise la tresse pour le carnassier (brochet, perche, truite, …), le feeder Ă  plus de 40m et la pĂȘche en mer et je garde le nylon pour les gros poissons blancs (carpe, barbeau, …), la pĂȘche au coup, le feeder Ă  moins de 40m et la plupart des pĂȘches au surfcasting. Le nylon a encore de trĂšs belles annĂ©es devant lui.

Cannes dures ou puissantes ?

Hormis pour certaines pĂȘches dont je vais parler rapidement ci-aprĂšs, j’aurais tendance Ă  dire que les canne trĂšs raides de scion, dures en d’autre termes, manquent de polyvalence. Elles sont brutales, dĂ©tectent plus difficilement les touches et engendrent des dĂ©crochages si la ligne et les hameçons n’ont pas Ă©tĂ© revus Ă  la hausse. Alors, oui, une canne dure est puissante, mais elle manque un peu trop souvent de finesse d’action.
Une canne puissante mai pas dure, par contre, va possĂ©der des qualitĂ©s d’absorption importantes dans le scion et un talon bien rigide pour stopper un poisson en plein rush. La puissance n’est dĂ©livrĂ©e que progressivement et la pression est de plus en plus forte au fur et Ă  mesure que la canne plie. Cela va rendre la canne efficace sur les gros poissons et amusante avec tous les autres. De mĂȘme, on pourra aussi bien lancer des leurres lĂ©gers que des lourds avec une bonne efficacitĂ©. Ce style de canne a trĂšs nettement ma prĂ©fĂ©rence en mer, comme en eau douce.

Il existe pourtant des exceptions oĂč une canne dure est nĂ©cessaire et bien plus efficace :
  • La pĂȘche au jerkbait : Ă  moins que vous ne pĂȘchiez avec des leurres de moins de 10cm, la pĂȘche au jerkbait nĂ©cessite des cannes courtes et dures pour donner vie aux lourds jerkbait (30 Ă  plus de 100g) et leur faire danser le walking the dog, sorte de zig-zag trĂšs marquĂ©, ponctuĂ© d’arrĂȘt, qui plaĂźt tant au brochet. Une canne souple donnerait une animation molle et sans intĂ©rĂȘt.
  • Le jigging lourd, en particulier en mer

En conclusion

Il est sage de ne jamais acheter une canne trop dure, car : une canne plus souple pardonnera un timing approximatif et les gestes un peu trop brusques du pĂȘcheur dĂ©butant, occasionnel ou un brin gauche ; elle pardonnera Ă©galement une fatigue soudaine et son lot d’inattentions ; elle vous permettra de mieux sentir le combat avec un beau poisson et, donc, de prendre plus de plaisir Ă  la pĂȘche ; enfin, elle vous Ă©vitera Ă©galement certains dĂ©crochages frustrants.
Ensuite, point n’est besoin de dĂ©penser des fortunes dans une canne et, le plus souvent, vous ne verrez que trĂšs peu de diffĂ©rences entre un bon modĂšle moyen de gamme et le fin du fin de la marque, souvent facturĂ© 2 Ă  4 fois plus cher et demandant trĂšs souvent des compĂ©tences techniques Ă©levĂ©es pour pouvoir en tirer la quintessence. Pour ma part, quand je prends du Shimano, je m’arrĂȘte aux modĂšles Beastmaster qui atteignent dĂ©jĂ  des sommets de qualitĂ© sans braquer la banque.
JNS

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